Les Silences de la Guerre

Claire Fourier

Résumé

Prix du roman de la ville de Carhaix 2012

 Résumé de la 4ème de couverture

La guerre. Ce pourrait être n’importe laquelle. C’est celle de 1940. L’histoire se passe près de Brest, dans la maison réquisitionnée pour loger un officier allemand affecté à la construction du mur de l’Atlantique. Sur la côte finistérienne, cet officier du génie, originaire de la Baltique, se sent dans un pays fraternel. En face de lui, une jeune fille et son père. Vont-ils s’enfermer dans le mutisme comme les personnages du Silence de la mer, de Jean Vercors ? Tous les trois choisissent de parler. Qu’est-ce que la patrie ? Qu’est-ce que le devoir en temps de guerre ? Ils évoquent ce qui a uni, désuni leurs pays respectifs dans le passé, ce qui les réunira un jour dans l’Europe. Ensemble ils vont tenter de comprendre l’incompréhensible, de se hisser mentalement au-dessus des clôtures, des barrages tel ce mur de l’Atlantique. 

Dans Les Silences de la guerre, Claire Fourier entrelace le déroulement de la guerre et celui d’un amour. Elle donne à voir un homme et une femme qui choisissent de donner tort à la guerre et décident d’entrer dans une résistance supérieure. À nouveau, elle traite un thème qui lui est cher avec un souci minutieux de l’exactitude historique.

 

Ce qu’en pense le Jury…

La force de la parole

Dédiant son roman à la mémoire de Jean Vercors, Claire Fourier ne fait nul mystère qu’il s’affirme comme « des pages d’ expérience » dans le sillage du Silence de la mer, qui la hante de relecture en relecture. Elle décrit une rencontre similaire et une conduite opposée. Un possible que le roman emblématique d’une génération ne pouvait envisager et a relégué au silence pendant plusieurs décennies. 

Claire Fourier entrelace la guerre de 1940 et la brève passion d’un officier allemand venu construire le mur de l’Atlantique près de Brest, et d’une jeune fille bretonne,  « qui décident de donner tort à la guerre, de dire non à la guerre, et choisissent, frontaliers de l’action et du rêve, d’entrer dans une résistance supérieure ». 

La maison du père de Glaoda la narratrice, vétérinaire et résistant, est réquisitionnée pour loger l’officier allemand du génie. Cette situation de cohabitation forcée les amène à réfléchir sur l’incompréhensible, à voir lucidement par-delà  la guerre pour la ramener  à un épisode douloureux dans  une chaîne de vie. Malgré les pensées contradictoires de Glaoda, les bouffées de culpabilité des uns et des autres, s’installe « une amabilité dont (ils étaient) tous trois amenés à sentir combien elle était précieuse en temps de haine collective, même combien elle était vitale ». 

La guerre révèle les caractères. « Les haineux trouveront l’occasion de rajouter à la haine, les aimants de rajouter à l’amour », ainsi que l’observe Hermann avec justesse. Les individus sauront ici être plus sages que l’Histoire affolée. Ils mettront en avant leur exigence morale, leur goût pour l’art, leur souci de nommer, de dire et de comprendre, sans se tenir  à l’écart dans une bulle préservée. Ils vivent au contraire au cœur des événements : « Nous n’étions pas  hors du monde : le monde était en nous ». 

Avec un vrai souci  de l’exactitude historique, Claire Fourier donne à  la résistance un visage plus nuancé et contrasté que celui gardé par l’histoire officielle. Des passages en italique, à la première personne comme dans le corps du roman, mais écrits plus tard, s’intercalent pour  préciser certains événements peu connus. Ainsi un épisode de résistance  où en 1943 à l’arsenal de Brest des soldats allemands antinazis aux côtés d’ouvriers français  formèrent  ensemble le Parti Ouvrier Internationaliste. 

Comme dans ses précédents ouvrages, Claire Fourier accorde la prédominance à la parole :  « La paix prenait forme sous la langue ». Tout s’enroule et prend sens autour du besoin d’une parole vitale, salvatrice. La parole et l’amour, les mots et les sens  sont ici intimement liés.  « D’une certaine manière, sentant la vie menacée, nous confiions notre corps à la parole comme à un abri », précise  Glaoda. Deux êtres officiellement ennemis deviendront amants. Ils comprendront qui est l’autre,  non pas un alter ego, non pas un  miroir mais deux êtres qui partagent et se complètent, et vivront un amour absolu. La narratrice parle de délicatesse, d’une « obligeance (…)  jamais connue ensuite dans aucune relation amoureuse ». Les amants  partagent « une intelligence du cœur (…) une connaissance à la fois intuitive et réfléchie ». « Il n’y avait plus une fibre de moi, une fibre de lui que nous ne sentions vibrer, et vibrer à l’unisson ». Evoquant l’amour, Claire Fourier  fait dire à Glaoda :« confiante, la parole s’est coulée dans la chair ».  

« J’ai parfois pensé que nous avions été ensemble un poème vivant »,  écrit la narratrice. Claire Fourier place la  rencontre de Glaoda et d’Hermann au centre d’une vision du monde « qui s’origine dans le fond de l’être ».  

On retrouve dans ce roman tous les  éléments fondateurs de l’univers de Claire Fourier, qui tourne autour de la force d’une parole essentielle. 

Marie-Josée CHTISTIEN
Membre du jury du Prix du Roman de la Ville de Carhaix, 
poète et critique, fondatrice et responsable de la revue Spered Gouez / L’esprit sauvage.