Le « Prix du roman de la ville de Carhaix » a été créé en 1999 et récompense chaque année un roman dont l’auteur est breton ou bien réside dans l’un des cinq départements bretons. Ce prix est doté d’une somme de 1 500 euros remis dans le cadre du « Festival du livre en Bretagne ».

Le jury a attribué le prix 2019 à Frank Darcel pour son roman Vilaine Blessure chez Le temps éditeur.

Frank Darcel

Frank Darcel a fondé en 1977 le groupe Marquis de Sade, reformé en 2017, qui a été invité dans les grands festivals européens à l’été 2018. Il a été le producteur d’Etienne Daho, James Chance, Paulo Gonzo et Alan Stivell.

Il est l’auteur de deux romans parus chez Flammarion en 2004 (Le Dériveur) et 2007 (L’Ennemi de la Chance) et d’un troisième (Voici mon sang) paru en 2011 aux éditions de Juillet.

Vilaine Blessure

« Des moments perdus remontent à la surface de sa mémoire comme des sacs de voyage et des sièges d’avion après un crash en mer. Sans logique apparente sinon que chaque flash lui rappelle ce plaisir acide qu’il a pris à infliger la souffrance aux autres. Et ça reflue depuis l’enfance : un chat aux yeux crevés, un camarade en pleurs, le nez en sang. Dans ce kaléidoscope morbide, il croise à nouveau le regard perdu de Savidan, et entend le Turc gémir. »

Vilaine Blessure est un roman choral dont l’action se déroule principalement à Rennes. Pendant trois semaines, à l’arrivée de l’été, les officiers de la police judiciaire sont confrontés aux situations les plus critiques qu’ils aient jamais connues. Viols aux mises en scène sophistiquées, rapt énigmatique de deux enfants, meurtre rituel vont les tenir en alerte et les mettre à l’épreuve sur fond de croyance new age.

Ces événements auront également pour conséquence de faire craquer le vernis de la haute société rennaise. La lieutenante de PJ Laure Jouan et son collègue Martial Hart vont enquêter au cœur d’un milieu fermé et intrigant, navigant d’un hôpital psychiatrique à un cimetière de la Métropole, en passant par une étrange école parisienne.

Le Temps éditeur, 2019

Ce qu’en pense le Jury…

Une attaque rageuse avec une sorte de meurtre sadique rituel au Pérou. Un moderato vigoureux avec une brute friquée et un brave type paumé, à Rennes. Rennes qui devient l’axe central du maëlstrom rythmique composé par Frank Darcel, lequel n’oublie rien de l’art du guitariste fondateur du groupe Marquis de Sade. Rennes, son centre historique, ses beaux quartiers, sa périphérie, ses classes sociales, d’une haute bourgeoisie au petit peuple et jusqu’aux marginaux, malfrats et dealers compris. Et voici que tout s’accélère : disparition de deux adolescents ; jeunes femmes appâtées sur Internet, mal traitées puis relâchées ; mise au pas de délinquants par un flic brutal… Tout s’emballe, les intrigues, les affaires et jusqu’au temps dans quoi surnagent, enquêtent, essaient de vivre, la lieutenante de PJ Laure Jouan et son collègue Martial Hart qui peu à peu cimentent le récit. Le lecteur, lui, est captivé au fil de/et par les affaires qui naissent, s’enchaînent, se mêlent,  avec une logique rigoureuse conduite par un auteur passé maître des hasards. On convient que bien sûr,  ce ne pouvait être autrement : non, tel n’est pas coupable, bien sûr que tel autre… Quant au meurtrier du Pérou, il refera surface en plein Rennes pour précipiter les événements jusqu’au dénouement final. Les gamins enlevés ? Attendez voir…, et le reste à l’avenant.

La maestria du romancier Darcel qui mène son récit guitare battante, à la manière d’un Stephen King ou d’un Harlan Coben, ne suffirait à tenir le lecteur en haleine sur près de 600 pages. L’auteur est un fin psychologue, proche de Young. Chaque personnage renferme une profondeur d’âme qui lui donne chair. Ainsi Laure Jouan possède une rationalité d’enquêteuse, que visite parfois le bazar intime de la jeune femme, que griffent rageusement les remontées mémorielles de l’enfance. Notre intimité reste le noyau central de nos vies, personnelle et sociale. Mais ne vivons-nous pas (nous : auteur, lecteurs, personnages) dans la réalité d’une modernité en crise, sociale, politique, philosophique, identitaire ? Et Darcel de se montrer sociologue à travers les dialogues et les réflexions de ses personnages, entre certitudes plus ou moins mal assurées et doutes plus ou moins bien ancrés. Vilaine blessure est un roman noir – sans que se perde tout espoir – , un thriller scientifique, un roman de haine mais aussi d’amour. Sans concession, Frank Darcel a quelque chose en lui d’Albert Camus. Sadien libertaire qui récuse le sadisme, notre marquis littéraire a composé une polyphonie romanesque qui jointe aux grandes traditions du roman l’esprit de réalisme, de révolte et aussi de rêve qui caractérise la culture rock. Breton, l’auteur s’enracine dans sa terre pour mieux ouvrir son épopée des temps modernes à l’universalité de l’humain tel qu’il fut, tel qu’il est. Frank Darcel, fouillant au scalpel nos vilaines blessures, en fait jaillir un chant puissant qui s’achèvera sur le sourire de Laure, reconquise par elle-même, acceptant ce qu’elle est et le monde tel qu’il va.

Yannick PELLETIER
Membre du jury du Prix du Roman de la Ville de Carhaix

Pratique

Le Prix du roman sera remis par la ville de Carhaix le samedi 26 octobre 2019 à 17h30 dans le cadre du festival du livre en Bretagne avec les Priz danevelloù ti-kêr Karaez et le Priz Langleiz.