Maria Gentile célébrée en Bretagne…

L’affiche du 28ème festival du livre en Bretagne, réalisée par l’artiste Olwenn Manac’h à partir d’une ligne directrice proposée par les organisateurs, entend tout à la fois rendre hommage à la Corse et aux femmes. Cette idée nous enchante, tant elle rejoint les orientations de la majorité présidant, depuis deux ans, aux destinées des institutions corses. 

Les animateurs du festival nous ont fait le plaisir de rappeler que sur la terre de Pasquale Paoli, les femmes votaient depuis plusieurs siècles, avant même l’arrivée au pouvoir du Général de la nation, en 1755. Plus près de nous dans le temps, les résistantes corses tinrent un rôle majeur sur une terre qui fut la première à se libérer du joug de l’occupant. 

C’est pour rendre hommage à toutes les femmes qui marquèrent notre histoire, mais aussi pour rappeler les progrès restant à accomplir en Europe sur le chemin de l’égalité, que nous avons pris une initiative politique et symbolique majeure : le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous avons installé dans le hall d’honneur de l’Assemblée de Corse un troisième buste à côté de ceux de Pasquale Paoli et de Napoléon Bonaparte : celui de Maria Gentile. 

Maria Gentile est une jeune femme qui, au XVIIIe siècle, au moment de la conquête française de la Corse, enterra nuitamment son fiancé exécuté par les autorités militaires d’occupation qu’il combattait, lesquelles avaient ordonné que les corps des rebelles suppliciés soient laissés sans sépulture. On voit ici la réalité historique rejoindre le mythe, et quel mythe… Celui qui conserve aujourd’hui une force intacte et incomparable : le mythe d’Antigone. En choisissant Maria Gentile comme figure allégorique, nous voulions évidemment, par-delà l’hommage mérité à un personnage historique, affirmer une volonté politique majeure : donner à la femme la place qui lui revient en faisant que la Corse demeure pionnière dans cette longue marche vers l’égalité des sexes. 

Parce que la littérature – qu’il s’agisse d’un lamentu corse ou d’un lai breton – reflète toujours les valeurs d’une société, de nombreux auteurs ont, du XIXe siècle à nos jours, rendu hommage à l’Antigone corse. Elle sera donc en quelque sorte célébrée par ce Festival du livre en Bretagne placé sous le double signe de la Corse et de la femme.

Jean-Guy Talamoni
Président d’honneur du 28ème Festival du livre en Bretagne